Des Egyptiens que j’ai connus à Paris. (20) Youssef Francis, le journal sous la chemise.
Les causeries du vendredi à Paris
Des Egyptiens que j’ai connus à Paris.
(20) Youssef Francis, le journal sous la chemise.
Celui qui suit l’art et la culture en Egypte ne peut qu’être influencé, séduit ou ébloui par la personnalité et le génie de l’artiste, journaliste et scénariste disparu Youssef Francis.
Il est difficile d’écrire sur la vie de Youssef Francis, car il a vécu de nombreuses vies, étant au départ un peintre, un grand metteur en scène, un journaliste et le directeur du Centre culturel égyptien à Paris, ainsi que le rédacteur en chef et directeur de la rédaction de la page Cinéma dans le journal al Ahram pendant de longues années, qui est devenue grâce à lui une référence en matière de cinéma en Egypte et dans le monde.
J’ai connu Youssef Francis à Paris, alors qu’il était directeur du Centre culturel égyptien, situé au cœur du Quartier latin, suivant la voie de son prédécesseur Farouq Husni et le transformant en vitrine de la production culturelle égyptienne raffinée, et non pas en café pour prendre le thé et fumer la chicha.
Nous nous sommes promenés ensemble dans le Quartier latin en discutant les questions de culture et d’art, et la situation de notre maître commun Tewfiq al Hakim. Et quelques années plus tard, il retourna en Egypte pour devenir rédacteur en chef de la page Cinéma et se lancer dans son grand projet, faire un film sur la vie d’al Hakim à Paris, à travers son roman ou sa biographie « Un oiseau d’Orient », dans lequel Tewfiq al Hakim joue lui-même un petit rôle, et où le grand acteur disparu Nour al Chérif joue le rôle de Tewfiq al Hakim.
Les tableaux de Youssef Francis suscitaient la joie, car ils représentaient la femme sous ses plus belles formes et expressions, et qu’ils étaient un moyen de représenter les cheveux de la femme comme des vagues ondulant avec grâce dans le vent pour vous emporter sur leurs ailes vers des mondes de beauté et de romantisme. Ses articles dans le journal al Ahram étaient toujours accompagnés de ses dessins qui ressemblaient dans une large mesure à ceux du grand poète et écrivain français Jean Cocteau.
J’aimais toujours lui dire qu’il était le Cocteau égyptien et il riait beaucoup en disant : « J’ai maîtrisé tous les arts que pratiquait Jean Cocteau, sauf la poésie, c’est pourquoi je ne serai jamais le Jean Cocteau égyptien. Mais tu dois faire un livre sur Jean Cocteau ».
Youssef Francis était un homme au plein sens du terme, et il rêvait que chaque Egyptien créateur ait sa part de succès, de notoriété et d’aisance matérielle, parce que sans cela, l’artiste meurt, et peut-être même de faim et de soif.
Le succès de son célèbre film « Le toxicomane » avec le comédien disparu Ahmad Zaki lui a donné une certaine tranquillité, mais cela ne lui a pas évité les affres de la maladie, qui l’ont affaibli et nous ont attristés, car il était fragile et sensible, et nous ne pouvions pas le voir en train de souffrir.
Je suis monté dans l’avion partant de Paris à destination du Caire, et je m’assis, et voilà qu’à côté de moi, se trouvait Youssef Francis. Quelle coïncidence étrange, que nous avons considérée tous les deux comme un cadeau du Ciel, et je lui ai annoncé la nouvelle de mon livre « Cocteau l’Egyptien » que je venais de commencer. Quelle ne fut pas sa joie, et il me dit que ce livre aurait un avenir radieux.
Je remarquai dans les plis de sa chemise quelque chose qui ressemblait à un papier et il me dit qu’il mettait une feuille de journal dans sa chemise pour se réchauffer, ce qui était une recette égyptienne ancienne. Nous avons beaucoup ri de notre situation, nous les journalistes, qui portons le journalisme dans notre cœur, et ses feuilles sur notre corps.
Il me demanda de lui réserver un exemplaire du livre Cocteau l’Egyptien, et je le lui ai promis. Je ne savais pas que c’était ma dernière rencontre avec Youssef Francis.